Alors que le système de santé français repose sur le principe fondamental d’un accès égalitaire aux soins pour tous, la montée inquiétante des dépassements d’honoraires en secteur 2 suscite un débat vif et complexe. En 2025, cette problématique divise profondément députés, experts médicaux et représentants institutionnels. D’un côté, le gouvernement propose d’introduire une surtaxation ciblée sur les revenus issus de ces dépassements afin de contenir les dérives tarifaires. De l’autre, elle est perçue par plusieurs acteurs comme une mesure potentiellement contre-productive menaçant davantage l’accès aux soins. À la croisée de préoccupations économiques, éthiques et sociales, cette question mobilise également le Conseil de l’Ordre des Médecins, la CNAM, ainsi que de nombreux syndicats du secteur médical et associations de patients, dans un contexte où les compléments d’honoraires spécialisés atteignent plusieurs milliards d’euros par an. Parallèlement, des propositions alternatives cherchent à concilier juste rémunération des praticiens et équité d’accès, dans un paysage marqué par la montée en puissance des mutuelles santé et les tensions autour du rôle de la Sécurité Sociale. Ici, les enjeux dépassent largement la seule question financière pour toucher à la valeur même accordée à l’acte médical et au modèle de santé publique à préserver.
Ancrage historique et analyse des dépassements d’honoraires en secteur 2 : enjeux et chiffres clés pour 2025
Depuis plusieurs années, la progression des dépassements d’honoraires en secteur 2 représente un phénomène structurel qui interroge le modèle du financement des soins en France. Ce secteur, caractérisé par des médecins pratiquant des tarifs libres supérieurs au tarif opposable fixé par la Sécurité Sociale, est devenu un terrain de tensions politiques et sociales majeures.
En 2024, les compléments d’honoraires des médecins spécialistes ont été estimés à environ 4,3 milliards d’euros, un chiffre qui témoigne d’une dynamique croissante depuis 2019. Cette tendance soulève plusieurs problématiques :
- Inégalités d’accès aux soins : Les patients les plus vulnérables, notamment ceux bénéficiant d’une complémentaire santé insuffisante ou sans mutuelle, sont souvent contraints de renoncer à certains actes spécialisés.
- Pression sur la Sécurité Sociale : Les dépassements échappent à la prise en charge standard de la Sécurité Sociale, ce qui déporte le financement vers des modèles complémentaires potentiellement inégalitaires.
- Crainte de dérives tarifaires : Une absence de plafonnement favorise des tarifs parfois excessifs, notamment dans certains secteurs à forte demande, amplifiant la controverse publique.
Le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie (HCAAM) a alerté les pouvoirs publics sur cette accélération des tarifs hors nomenclature, incitant à des mesures de régulation plus strictes. Parmi elles, le projet de surtaxation des dépassements, exposé dans l’article 26 du PLFSS 2026, vise précisément à freiner la hausse incontrôlée de ces revenus.
| Année | Montant total des dépassements d’honoraires (en milliards €) | Part des médecins en secteur 2 (%) | Évolution annuelle moyenne (%) |
|---|---|---|---|
| 2019 | 3,2 | 45 | – |
| 2022 | 3,9 | 52 | +8,2 |
| 2024 | 4,3 | 55 | +6,1 |
Au delà des statistiques, cette problématique s’accompagne d’une controverse idéologique. Le Ministère de la Santé, appuyé par la CNAM, cherche à défendre un compromis entre la juste rémunération des médecins et la nécessité de préserver un accès universel, tandis que le Conseil de l’Ordre des Médecins évoque le rôle essentiel de la valeur du travail médical, en demandant une approche plus globale et concertée. Ces tensions montrent bien qu’il ne s’agit pas simplement de « taxer » mais bien de réinventer les modalités d’exercice pour garantir durablement la santé publique.

Décryptage de l’article 26 du PLFSS 2026 : une surtaxation controversée des dépassements d’honoraires
Le cœur du débat parlementaire autour des dépassements d’honoraires en 2025 se concentre sur l’article 26 du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS). Ce texte propose une mesure innovante, mais également très contestée : l’instauration d’une cotisation supplémentaire, sous forme de surtaxe, sur les revenus tirés des dépassements d’honoraires et de l’activité non conventionnée des médecins libéraux. L’intention affichée est d’inciter ces praticiens à revenir vers une activité conventionnée aux tarifs opposables en limitant la déconnexion progressive entre tarifs remboursés et tarifs facturés.
Concrètement, cette surtaxation permettrait au gouvernement de rehausser par décret la cotisation forfaitaire existante, actuellement fixée à 3,25 %, sur les suppléments en honoraires. L’outil ainsi proposé vise un double effet :
- Freiner la hausse des dépassements tarifaires en rendant financièrement moins attrayante la pratique de tarifs excessifs.
- Réorienter l’offre médicale vers le secteur 1, où les tarifs sont fixés et pris en charge par la Sécurité Sociale.
Toutefois, cette méthode de régulation est vivement critiquée au sein de la commission des Affaires sociales par plusieurs députés et spécialistes. Thibault Bazin, rapporteur général du budget de la Sécurité Sociale, a ainsi qualifié ce dispositif de « mal écrit, bancal et potentiellement inconstitutionnel ». Pour lui, la surtaxation ne différencie pas efficacement les médecins engagés dans la permanence des soins de ceux abusant réellement des dépassements. Ce flou risque de pousser certains professionnels à augmenter leurs tarifs en tenant compte de la taxe, ou à se retirer complètement du conventionnement pour échapper à la mesure.
Selon Bazin, les conséquences pourraient être triples :
- Des tarifs globaux en hausse, nuisant au pouvoir d’achat des patients.
- Une baisse des remboursements effectifs venant aggraver les difficultés d’accès.
- Un accroissement des inégalités territoriales, avec des déserts médicaux amplifiés.
À l’opposé, Sacha Houlié, député apparenté au groupe socialiste, soutient la surtaxation comme une mesure de justice sociale nécessaire face à des dépassements atteignant des niveaux record. Il considère cette politique comme un levier indispensable pour faire évoluer le secteur 2 et garantir un équilibre entre liberté d’exercice pour les médecins et protection des usagers.
| Arguments pour la surtaxation | Arguments contre la surtaxation |
|---|---|
| Justice sociale en récupérant une part des revenus excessifs | Risque d’effet contre-productif par ajustement des tarifs à la taxe |
| Encouragement au conventionnement au secteur 1 | Discrimination possible vis-à-vis des médecins investis dans la permanence des soins |
| Limitation de la hausse incontrôlée des dépassements | Difficulté à définir un cadre légal clair et constitutionnel |
Initiatives parlementaires alternatives et propositions d’encadrement des dépassements d’honoraires en 2025
Face aux limites pointées de la surtaxe, plusieurs députés ont suggéré d’autres pistes pour réguler les dépassements d’honoraires sans nuire à l’accès aux soins. Jean-François Rousset, député de l’Aveyron et co-auteur d’un rapport parlementaire, propose notamment une réforme ciblée et progressive de l’Optam (option de pratique tarifaire maîtrisée).
Sa proposition consiste à instaurer un contrat quinquennal pour les jeunes spécialistes, où :
- 50 % des actes seraient facturés aux tarifs opposables de la Sécurité Sociale.
- Les 50 % restants pourraient bénéficier d’un dépassement fixé à un niveau raisonnable et plafonné.
Cet équilibre vise à concilier liberté d’exercice et responsabilité sociale. Pour Rousset, cette approche serait plus incitative qu’une taxe qui pourrait renforcer des comportements inadaptés. Elle intègre par ailleurs mieux la notion d’un engagement sur le temps long dans la régulation tarifaire.
D’autres initiatives parlementaires ont mis en avant :
- Un plafonnement strict de certains actes à hauts dépassements.
- Une suppression des dépassements pour certaines catégories d’actes essentiels.
- Un accompagnement renforcé par la CNAM avec des outils de contrôle et de transparence.
Cette dynamique illustre la volonté du Ministère de la Santé, avec l’appui de la Fédération Hospitalière de France et du Collectif Inter-Hôpitaux, de réconcilier praticiens et patients, tout en renforçant la qualité de la prise en charge publique. Elle témoigne aussi d’une reconnaissance de la complexité du phénomène, au-delà de simples mesures fiscales.
Le rôle du Conseil de l’Ordre des Médecins et la vision déontologique sur les dépassements d’honoraires
Le Conseil de l’Ordre des Médecins (CNOM) se place régulièrement comme un acteur central dans ce débat, en apportant une perspective déontologique et professionnelle. Selon leur communiqué récent, la problématique des dépassements ne saurait se résumer à une question de chiffres : elle est intrinsèquement liée à la reconnaissance d’une juste rémunération des médecins
Le CNOM souligne que le développement du secteur 2 est largement la conséquence d’une revalorisation insuffisante des actes médicaux dans le système conventionnel. Il faut donc envisager des solutions globales mettant en balance :
- Equité d’accès aux soins pour tous les usagers, particulièrement les plus vulnérables.
- Reconnaissance et valorisation des compétences et de la qualité du travail médical.
- Un encadrement concerté des pratiques abusives, qui restent minoritaires mais significatives.
Le Conseil plaide pour une démarche coordonnée entre les pouvoirs publics, la CNAM, les syndicats médicaux et les structures de santé publique comme Santé Publique France pour trouver un terrain d’entente durable. Le principe de « tact et mesure », inscrit dans la déontologie médicale, est essentiel pour maintenir la confiance entre médecins et patients, tout en assurant une gestion saine des dépenses de santé.
| Principes défendus par le Conseil de l’Ordre | Actions proposées |
|---|---|
| Valuation équitable de l’acte médical | Réforme globale des conventions médicales |
| Protection des patients vulnérables | Encadrement ciblé des dépassements abusifs |
| Concertation pluridisciplinaire | Mise en place de groupes de travail avec CNAM et Ministère de la Santé |
Cette approche modérée cherche à préserver la qualité des soins en évitant des mesures trop brutales, susceptibles de créer des tensions supplémentaires avec les praticiens et les patients. Elle souligne le poids que doit avoir la mutuelle santé dans la prise en charge complémentaire et la Sécurité Sociale comme pilier central.
Mesures institutionnelles et législatives liées à la régulation des dépassements et à l’amélioration de l’accès aux soins
Dans la continuité des discussions sur les dépassements d’honoraires, 2025 voit l’émergence de mesures complémentaires visant à aménager le cadre législatif et institutionnel de la santé publique. Les députés, en commission, ont récemment rejeté un dispositif prévoyant le doublement des franchises médicales, estimé trop pesant pour les usagers, et renforcé les dispositions sur la vaccination obligatoire des professionnels de santé pour certaines maladies à fort risque infectieux.
Sur le plan du financement et de la performance, l’article 24 du PLFSS 2026 autorise désormais la CNAM à réduire unilatéralement les tarifs dans certains secteurs où la rentabilité est jugée « manifestement excessive ». Cette prérogative permet d’ajuster les pratiques tarifaires pour mieux aligner les dépenses avec les besoins collectifs.
Les législateurs ont aussi instauré un statut pour les structures de soins non programmés avec cahier des charges spécifique, ouvrant la voie à une nouvelle organisation pour faciliter l’accès à des soins rapides et de qualité sur tout le territoire. Ces structures bénéficient désormais d’un forfait dédié, soutenant leur pérennité et leur développement.
Ces mesures combinées reflètent une approche équilibrée, portée par des institutions comme la Fédération Hospitalière de France, Santé Publique France et le Collectif Inter-Hôpitaux, pour moderniser le système de santé tout en garantissant sa solidarité.
| Mesures principales | Objectifs | Acteurs clés |
|---|---|---|
| Rejet du doublement des franchises médicales | Préserver le pouvoir d’achat des patients | Députés, associations de patients |
| Vaccination obligatoire conditionnelle pour soignants | Réduire les risques de contamination en milieu hospitalier | Ministère de la Santé, professionnels de santé |
| Réduction unilatérale des tarifs dans certains secteurs | Limiter la rentabilité excessive | CNAM, pouvoirs publics |
| Création du statut des soins non programmés | Faciliter l’accès rapide aux soins | Collectif Inter-Hôpitaux, Fédération Hospitalière de France |
La délicate question des dépassements d’honoraires illustre parfaitement les tensions et enjeux multidimensionnels qui traversent aujourd’hui le système de santé français. Entre nécessaire réforme et préservation des équilibres, la saison parlementaire 2025 reste un tournant décisif.
Questions essentielles autour des dépassements d’honoraires en secteur 2
Comment la surtaxation prévue dans l’article 26 impactera-t-elle réellement les tarifs pratiqués par les médecins ?
Il existe un risque que la surtaxation conduise certains médecins à majorer leurs dépassements d’honoraires pour compenser la taxe, ce qui pourrait aggraver la situation plutôt que la désamorcer.
Quels sont les mécanismes proposés pour protéger les patients les plus vulnérables ?
Les propositions incluent un encadrement des dépassements, une révision de l’Optam visant à rendre la pratique tarifaire maîtrisée plus attractive, et l’implication des mutuelles santé dans la prise en charge complémentaire.
Pourquoi le Conseil de l’Ordre des Médecins prône-t-il une concertation avec les pouvoirs publics plutôt qu’une taxation directe ?
Le Conseil insiste sur la reconnaissance d’une juste rémunération et une approche globale impliquant tous les acteurs, estimant que la taxation isolée ne résoudrait pas les causes profondes du développement du secteur 2.
Quelles autres mesures législatives ont été prises pour améliorer l’accès aux soins en 2025 ?
On compte notamment le rejet du doublement des franchises, l’obligation vaccinale partielle pour les soignants, la possibilité pour la CNAM de réguler les tarifs excessifs et la création d’un statut spécifique pour les soins non programmés.
Quels sont les acteurs clés dans le débat sur les dépassements d’honoraires ?
Le Ministère de la Santé, la CNAM, le Conseil de l’Ordre des Médecins, les députés, la Fédération Hospitalière de France, Santé Publique France, les mutuelles santé et le Collectif Inter-Hôpitaux sont les principaux intervenants.
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